F. WALTER u.a.: Paysages sous tension

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Titel
Paysages sous tension. Electricité et politiques en Suisse occidentale


Autor(en)
Walter, François; Steinauer, Jean; Planzi, Lorenzo
Erschienen
Fribourg 2015: Société d’histoire du canton de Fribourg
Anzahl Seiten
198 S.
von
Tissot Laurent

Ce livre est important pour l’histoire neuchâteloise. Il commémore les dix ans d’existence du Groupe E née de la fusion en 2005 des Entreprises Electriques Fribourgeoises (EEF) fondées en 1915 et d’Electricité Neuchâteloise SA (ENSA) en 1907. Il dépasse les contours d’une banale histoire d’entreprises électriques pour aborder les problèmes plus globaux d’une histoire environnementale de l’électricité ou, précisément, d’une histoire du paysage électrique. Comment le fait électrique a marqué, modifié, entretenu les rapports entre technique et paysage ? Quels impacts ces rapports ont-ils eus sur le quotidien des populations, les décisions politiques, l’aménagement des territoires ? L’urgence de ces questions n’est plus à démontrer dès lors que l’actualité nous rappelle chaque jour les agressions dont est victime l’environnement. C’est justement tout l’intérêt et l’originalité de ce livre de les replacer, par le biais des cas fribourgeois et neuchâtelois, dans un contexte historique large, soit de la fin du XIXe siècle qui correspond à la naissance de l’électricité à ce qu’on appelle le « tournant énergétique » du XXIe siècle. Disons-le tout de suite : le lecteur est intelligemment mené dans un récit fluide, plaisant, clair et dépassionné sous les plumes expertes des trois auteurs, dont celle de François Walter dont l’autorité n’est plus à démontrer en matière d’histoire de l’environnement et du paysage et qui lui a consacré de nombreux ouvrages de très grande qualité1.

La première partie (La fabrique du territoire) est toute entière dédiée à la mise en oeuvre des techniques hydroélectriques – la captation des rivières, la création de lacs, la construction d’ouvrages – pour amener la « fée électrique » dans tous les foyers. Comme les auteurs le disent avec beaucoup d’à-propos, « les turbines, les alternateurs, les transformateurs ont généré un formidable patrimoine bâti, musée industriel de plein air disséminé sur tout le territoire : la Suisse électrique est un Ballenberg géant. » (p. 17) On aurait tendance à l’oublier. La deuxième partie (La banalisation du prodige), chronologique, nous entraîne dans les dédales de l’immersion progressive de l’électricité dans la société, que ce soit l’habitat, le travail et la sociabilité. La conjoncture n’est pas un donné dénué de pouvoir face à ce que l’on décrit comme une invasion bienfaisante. Les problèmes de conversion existent, les sensibilités demandent du temps pour changer et les frictions ne sont pas des chimères face à ce qui apparaît comme une véritable « révolution ». Dans la troisième partie (La République électrique), le lecteur est amené à mieux comprendre les liens, fluctuants et réversibles, entre la technique électrique et l’Etat. Du monopole centralisateur où « l’électricien est le bras de l’Etat, l’électricien est un Etat dans l’Etat » (p. 133) à la montée en puissance du modèle décentralisé, à l’échelle de la ferme, du village ou de l’entreprise, leur histoire n’a rien de linéaire. Sous le coup d’une globalisation invasive, elle suit aussi les contours d’une idéologie qui donne aux lois du marché les valeurs suprêmes.

Il est réconfortant de voir qu’une commémoration d’une entreprise n’a pas abouti à la publication d’une plaquette où sont ressassés à souhait les faits et gestes héroïques des directeurs successifs et leurs grandioses réalisations sous la forme de graphiques dont les courbes de production et du chiffre d’affaires ne cessent de monter. Le papier glacé qu’il sied à ce genre de textes peut se conjuguer avec la scientificité et le sérieux d’une étude. Ce livre en est la meilleure des illustrations et l’historiographie neuchâteloise ne
peut que s’en réjouir.

1 Que l’on pense aux Suisses et l’environnement (1990) aux Figures paysagères de la nation (2004), aux Catastrophes : une histoire culturelle XVIe-XXIe siècle (2008), à l’Hiver : histoire d’une saison
(2014) …

Zitierweise:
Laurent Tissot: Rezension zu: François WALTER, Jean STEINAUER, Lorenzo PLANZI: Paysages sous tension. Electricité et politiques en Suisse occidentale, Fribourg, Neuchâtel, Société d’histoire du canton de Fribourg, Editions Alphil, 2015. Zuerst erschienen in: Revue historique neuchâteloise, Vol. 1-2, 2018, pages 193-194.

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Zuerst veröffentlicht in

Revue historique neuchâteloise, Vol. 1-2, 2018, pages 193-194.

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